Alliance Panafricaine pour la Citoyenneté ?

Chaque mot de l’intitulé de notre association possède un sens qui est destiné à dessiner son projet. Asma Mhalla dans son livre Technopolitique, Comment la technologie fait de nous des soldats, nous offre quelques indications sur l’innovation nécessaire des sociétés civiles face aux nouveaux Léviathans. Ces nouveaux Léviathans sont « BigTech » et « BigState » une condensation de pouvoir à deux têtes, animée par un désir de puissance hors limites.

Alliance.

Cependant cette hégémonie des idées et des moyens des puissants a encore besoin de renforts rassemblés par les alliances minilatérales 1. Les alliances minilatérales officieuses permettent ainsi de créer des dynamiques de pouvoir agiles et convergentes. Notre alliance n’est pas un instrument de conflictualité. Elle est multilatérale en adjoignant des associations, des entreprises sociales et solidaires, des groupes et des individus sans hiérarchie et dans l’optique d’un syndicat de propositions et de convergence d’actions à l’échelon local, national et global. « Face au nouveau Léviathan nous, simples citoyens, ne sommes pas démunis », écrit Asma Mhalla. Il ne faut pas laisser le tandem « BigTech » et « BigState »nous dicter à sa façon le chemin de la liberté et du progrès. L’alliance multilatérale ne considère pas que tous les biens doivent être « rivaux », c’est-à-dire ne pouvoir être consommés que par une seule personne, alors que nombre d’entre eux sont non rivaux, qu’il s’agisse de l’atmosphère, des voies publiques ou des films numériques. Il ne doit pas y avoir d’externalités négatives telles que la pollution ou les émissions de CO2 décidées par le seul marché.

Panafricaine.

Les enjeux d’une nouvelle économie politique englobant la réforme du marché, le souci du soin et la liberté des plus pauvres et des plus faibles semblent appropriés par l’Occident ou ignorés par les nouvelles puissances étatiques qui s’opposent à l’Occident. Le Panafricanisme semble porté aujourd’hui comme une revendication de déconnexion d’avec l’Occident postcolonial. Ce type de contestation de la relation inégalitaire et humiliante ancrée dans l’histoire ne tient pas compte de la très forte interaction des problématiques entre Nord et Sud. De même, l’Alliance, à travers le Panafricanisme, entend s’émanciper aussi des nationalismes africains récupérés par les États et développer une maitrise transfrontières des outils et des décisions.

En effet, les données sur les effets de l’expérience montrent que les décideurs doivent tenir compte des différentes expériences de leurs populations cibles. Une même intervention peut donner lieu à des réactions très différentes selon la manière dont les événements antérieurs ont forgé le comportement et les perspectives des gens.
Idéalement, il conviendrait d’adapter toutes les mesures à chaque cohorte de pays/d’âge/de genre ou au moins de prendre en compte ses expositions aux différentes expériences tout au long de la vie. Les quelques organisations et personnalités qui participent à l’APC offrent une perspective panafricaine concrète des enquêtes et des réalisations dans plusieurs domaines critiques : la jeunesse, le genre, les migrations, la recherche de la paix sur plusieurs sites du continent africain.

Des Citoyens.

La citoyenneté est une notion fluide et construite au gré des contraintes politiques et historiques. Le Biopouvoir décrit par Foucault est particulièrement à l’œuvre dans le jus sanguinis qui fait référence davantage au fantasme des ascendants qu’à la République en action. On trouve donc des évaluations de la citoyenneté variant dans la chronopolitique et la géopolitique.

Le 14e amendement de la constitution des Etats-Unis d’Amérique (EUA) a permis de reconnaitre la citoyenneté des Africains-Américains à l’issue de la guerre de Sécession. Ils obtenaient un état civil (limité) et des droits politiques très peu appliqués. La cour suprême des EUA a fini par décider (1898) de la citoyenneté américaine des enfants asiatiques nés sur le sol américain. Entre 1980 et 2014, environ 6.8 millions d’enfants d’origine latino-américaine, dont les parents étaient des résidents illégaux aux EUA, sont devenus Américains en naissant sur le sol des EUA.

Par contre aucun pays européen ne confère un droit inconditionnel de devenir citoyen à un enfant né sur son sol. En Afrique seulement trois États (Tchad, Lesotho et Tanzanie) ont inscrit théoriquement le jus soli dans leurs lois. La transmission de la citoyenneté par la parenté ou le sang est traditionnellement un moyen d’exclure de la citoyenneté les étrangers et ceux considérés comme tels. Brubaker 2 décrit, en particulier pour le cas allemand, la relation de la citoyenneté à la nationalité et à l’identité comme cruciale.

Cette perception ethno-nationaliste n’est pas la nôtre. La citoyenneté de l’APC est civique. Il existe de par le monde et en particulier en Afrique, de la Libye à la République d’Afrique du Sud, des diasporas de réfugiés et de migrants qui ne peuvent que se considérer que comme citoyens locaux. Dans leurs propres pays, nombre d’Africains ne sont pas des citoyens égaux aux autres, car perçus ou assignés à des positions subalternes ou transitoires. Le modèle d’intégration que l’Alliance Panafricaine des Citoyens entend promouvoir vise à la formation de subjectivités civiques pour affirmer à la base les droits et les devoirs cosmopolitiques de chaque individu.

1 Voir Asma Mhalla, op.cit.
2 Rogers Brubaker: Citizenship and Nationhood in France and Germany. Cambridge, Mass.Harvard University Press, 1992

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