Communiqués N°2, 3 et 4 APC/USAID

Attention nouvel article republié, à jour, ici :
https://all-citizens.org/2025/03/04/contraction-drastique-de-laide-americaine-vers-un-new-deal/
Sommaire
Communiqué N°2
Aide américaine : un new deal est-il possible ?
La décision d’interrompre par un moratoire les décaissements des fonds de l’USAID est un cataclysme. Elle affecte, au-delà des pays récipiendaires et des ONG internationales les plus actives, des malades, des affamés, des victimes de catastrophes et de guerres, les citoyens.
Mais cette révolution révèle l’aspect déterminant dans le monde de l’aide américaine dans sa globalité. L’État américain a contribué en 2024 pour 68 milliards d’US $ en faveur de 204 pays et territoires. L’Union européenne affiche 34,7 milliards de financement pour l’aide et le développement, suivie par l’Allemagne avec 32,2 milliards US $. L’Amérique offre la première assistance à la planète sans que l’on prenne en compte que dans certains cas elle est décisive pour l’existence d’États et de population. L’aide américaine pour un quart va au continent africain et la RCA comme la Somalie ne survivent que grâce à ses transferts gratuits. L’organisation norvégienne du conseil pour les réfugiés accomplit un travail continu et bénéfique dans ces deux pays fragiles. Elle peut le faire car sa plus grosse subvention venait de Washington.
A Washington DC, avant la remise en cause du système d’aide qui a été, dès les années 1960, une composante de la diplomatie US, les plus de 60 milliards d’ US $ annuels se ventilent ⅓ géré par le département d’État et ⅔ par l’USAID. Cela permettait d’isoler l’USAID de la conjoncture internationale comme on l’a vu ces dernières années au Mali qui n’est pas un allié de Washington et reçoit un appui militaire des Russes. Avec les fonds du département d’État la politique de Washington et les ambassadeurs américains disposaient d’une considérable cagnotte pour peser sur des situations locales et pas toujours avec des conséquences positives pour les peuples. C’est ce que décrit pour Haïti l’ouvrage de jake Johnston Aid State: Ethnic Panique, Disaster Capitalism and the Battle to Control Haïti. Le terrible échec d’avoir exigé que Martelly dirige l’île martyr des Caraïbes s’est payé de l’afflux de migrants à la frontière mexicaine des États-Unis. Une personnalité extraordinaire, Nicole Phillips, de l’association Haitian Bridge Alliance, s’est efforcée par ses plaidoyers de faire comprendre que son pays devait avoir une autre approche en Haïti et de faire comprendre aux migrants de la frontière qu’ils devaient utiliser faute de mieux l’application téléphonique pour solliciter l’asile. Ce type d’exemple illustre la force et la complémentarité de l’écosystème de l’aide américaine. Les tensions migratoires aux États-Unis sont le produit des désordres issus de conflits nationaux mais aussi de guerres civiles.
L’aide américaine va principalement à quatre grands secteurs : le développement économique, la santé, l’humanitaire et la paix. Le volet Paix et Sécurité dispose d’un montant annuel de contribution de 10 milliards US $. Tout est urgent et prioritaire en matière d’aide pour des millions de personnes dont c’est le seul espoir. Cependant les menaces contre la Sécurité humaine ont des effets externes en chaîne comme on le voit avec les flux migratoires à l’est de l’Europe ou au sud des États-Unis. Le volet Paix et Sécurité de l’aide publique américaine pourrait être provisoirement isolé des réformes en cours au Département d’État et à l’USAID et confié au Congrès. Cette instance a un rôle important en matière de politique étrangère où un bon voisinage bipartisan est à la fois plus facile et capital pour un engagement à long terme et réfléchi.
Le new deal de la nouvelle administration en matière d’aide peut sembler destructeur. Il demeure un révélateur des enjeux qu’il représente pour les citoyens du monde qui ignoraient que l’Amérique fait plus pour eux que les Nations Unies et l’OMS. C’est peut-être à une plate-forme comme Alliance for Peacebuilding de rappeler la dimension vitale du poids des États-Unis pour une planète moins dangereuse. Après l’échec du multilatéralisme hérité de la seconde guerre mondiale, le temps d’un minilatéralisme pour la paix est venu.
Communiqué N°3
L’Afrique et l’aide américaine
En dépit des critiques qui se font jour avec acuité à l’égard de l’USAID, elle a fait transiter ses ressources à travers des canaux et des relais de qualité. En particulier pour la santé et l’humanitaire, il s’agit de Chemonics, DAI, FHI 360, et Catholic Relief Services (CRS). À Madagascar, CRS a effectué depuis des décennies un travail apprécié pour la nutrition et la santé des plus pauvres. Sur le même registre on peut citer Mercy Corps. Nous avons déjà mentionné le rôle indispensable du Norwegian Refugee Council dans l’assistance aux millions de déplacés des conflits africains. Il en de même pour le Danish Refugee Council. Toutes ces organisations sont contraintes de licencier un personnel expérimenté et motivé.
Les États-Unis à travers ces ONGI ont participé à une coalition globale pour aider à résoudre les problèmes les plus douloureux de la guerre et de la pauvreté en Afrique. En volume les appuis américains sont allés à des pays à revenu intermédiaire avec dans l’ordre Tanzanie, Nigéria, Afrique du Sud, Ouganda, Mozambique. Mais les États les plus affectés par le moratoire de l’aide sont deux pays avec une très forte population et des guerres à répétition : Éthiopie et République Démocratique du Congo (RDC).
Tous les pays africains ont encore besoin d’aide américaine en matière de santé et d’humanitaire. Face aux milliards US annuels d’aide dans le compartimenthumanitaire, l’Union européenne ne fait pas le poids avec son demi milliard pour l’Afrique. En attendant une éventuelle reprise de l’aide des États-Unis, il ne faut pas se cacher que sa contraction et son questionnement ne datent pas de Trump. En effet, les versements à l’Afrique sont loin derrière ceux à l’Ukraine, la Jordanie, Israël, l’Égypte, etc.
Zainab Usman (Carnegie Endowment for International Peace) dans une communication récente détaillait les six priorités de l’administration Trump pour l’Afrique. Elle remarquait dans ce cadre que la rupture de l’administration Trump s’ancrait dans la fatigue antérieure des donateurs américains, britanniques et canadiens. La rupture actuelle pose avec violence certes des questions pertinentes et laisse supposer que l’on ne reviendra pas au statu quo ante après le moratoire et l’éviction des personnes qui connaissaient les dossiers. Romilly Greenhill qui préside Bond, un réseau britannique d’ONGI, pense qu’il faut élaborer des modèles alternatifs de l’aide à l’Afrique. Éventuellement transposables ailleurs.
Bien sûr on convoque la Chine, déjà présente au FMI et à la Banque mondiale, mais elle n’a pas de propension à sortir d’un rapport gagnant-gagnant. L’idée de délier le financement de la santé au sein de l’aide américaine paraît à creuser. Elle serait sanctuarisée et régie par un protocole de moyen terme où de puissantes fondations comme celle de Bill Gates seraient associées.
Pour le domaine de la paix et de la sécurité humaine un mécanisme comparable peut être envisagé. Plutôt que d’aider des gouvernements africains par les vecteurs de la paix et de la sécurité, alors qu’ils sont souvent les agents provoquant les guerres civiles, les États-Unis peuvent susciter une coalition transnationale pour la paix qui programmerait les ressources reçues sur des objectifs locaux mobilisant la diplomatie citoyenne.
Communiqué N°4
Le prisme éclairant du PEPFAR
L’Afrique du Sud (RSA) est un pays particulièrement affecté par la cessation des décaissements de l’USAID. À un titre particulier car elle est bénéficiaire du President’s Emergency Plan for Aid Relief (PEPFAR) qui est orienté vers l’assistance à la prévention et au traitement du VIH. Cette initiative américaine, rattachée au président, a été lancée en 2003. Depuis cette date la RSA a reçu 8 milliards US $ grâce au PEPFAR et 440 millions l’année dernière. La mobilisation de tant d’argent pour le VIH à été possible par l’architecture efficace des organes publics, en l’occurrence l’USAID et le Center for Disease Control and Prevention (CDC), des organisations non lucrative américaines et des associations sur le terrain sud-africain collaborant avec les personnels de l’USAID.
Aide Vaccine Advocacy Coalition (AVAC) et Global Health Council (GHC) ont dénoncé l’arrêt brutal des transferts de ce programme PEPFAR mais aussi l’interruption d’une chaîne d’efficacité et de solidarité qui oeuvrait pour les plus vulnérables et les plus marginalisés comme les LGBT. Elon Musk en bloquant tous les paiements de l’USAID a induit l’arrêt des fonds PEPFAR qui passent par l’USAID comme caissier. Devant cet effet induit catastrophiques pour le traitement du VIH, Marco Rubio, le secrétaire d’État americain a permis, avec beaucoup de restrictions, des exemptions pour les actions qui sauvent des vies. Ces lettres d’exemptions ne peuvent être mises en œuvre sur le terrain l’USAID ayant été décapitée.
Les contraintes bureaucratiques et les sanctions arbitraires du DOGE aggravent les options politiques initiales des dirigeants. Il ne faut pas ignorer que Washington avant même ’élection de Trump désapprouvait les choix de Pretoria de ne pas voter contre la Russie et de poursuivre les dirigeants israéliens devant la Cour Pénale Internationale. Des programmes comme PEPFAR permettaient aux États-Unis, quelques soient les vicissitudes diplomatiques, de maintenir avec l’architecture de santé transnationale un rôle clé comme financeur et prescripteur du VIH. En RSA en particulier. De même l’USAID a été, en 1998, établie comme une entité indépendante qui ne peut être dissoute que par le Congrès.
Cependant, y compris pour la santé et le VIH, rien ne sera plus comme avant. Ainsi Mitchell Warren d’AVAC précitée constatait : nous savons que les programmes d’aide vont changer et le PEPFAR aussi. Il faut à présent revoir les programmes passés et définir clairement les besoins avec des stratégies claires et mesurées. Cela demande un dialogue entre le gouvernement américain et le Congrès des États-Unis mais aussi avec tous les acteurs de la santé mobilisés, formés et citoyens de pays bénéficiaires.
Bien fidèlement,
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Mohammed EL ABBOUCH, Président
Alliance Panafricaine pour la Citoyenneté (APC)