Aide étrangère américaine en 2025 : démantèlement ou réorientation ?

Le gel des financements de l’USAID : que se passe-t-il ?

L’une des premières cibles de la seconde administration Trump, via son tout nouveau Département de l’Efficacité Gouvernementale, est l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Le 10 mars, le secrétaire d’État Marco Rubio a annoncé qu’un audit interne avait conduit à l’annulation de 83 % des programmes de l’agence. Résultat : une grande partie de ses activités est aujourd’hui paralysée.

Objectif affiché : recentrer l’aide américaine sur les intérêts stratégiques des États-Unis, en mettant l’accent sur l’aide humanitaire, les réponses aux catastrophes et la lutte contre l’influence grandissante de la Chine.

Que fait réellement l’USAID ?

Créée en 1961 par le président John F. Kennedy, en pleine Guerre froide, l’USAID est depuis plus de 60 ans l’instrument principal de l’aide étrangère américaine. En 2024, son budget avoisinait les 38 milliards de dollars. Bien que cela représente un peu plus de 0,5 % du budget fédéral total, son impact est majeur : rien qu’en 2023, l’agence a distribué près de 43,8 milliards de dollars d’aide à 177 pays et 29 régions, selon le Pew Research Center.

Santé, alimentation et éducation

L’USAID a joué un rôle-clé dans l’éradication de la variole, dans la lutte contre la polio, et dans l’éducation de millions d’enfants via la distribution de manuels, la construction d’écoles et la formation d’enseignants. Elle achète également pour des milliards de dollars de blé aux agriculteurs américains, renforçant l’économie locale.

Réduire la migration en Amérique latine

En Amérique latine, l’USAID tente de freiner les flux migratoires, notamment en soutenant l’intégration des 8 millions de Vénézuéliens ayant fui leur pays vers des pays voisins comme la Colombie ou l’Équateur. Ces programmes ont limité l’ampleur de la migration vers les États-Unis.

Soutien à l’économie de marché

L’agence a aussi aidé la Corée du Sud à se reconstruire après la guerre. Ancien bénéficiaire de l’aide américaine, ce pays est désormais un bailleur de fonds à son tour. Pour 2025, Séoul a prévu 4,5 milliards de dollars d’aide au développement. Il faudrait l’équivalent de vingt « Corées du Sud » pour remplacer la capacité d’action de l’USAID.

Nouvelle doctrine de politique étrangère

L’administration Trump entend restructurer l’aide américaine de fond en comble. Elle souhaite déléguer davantage de pouvoir aux bureaux régionaux et réduire la dépendance au Congrès pour l’attribution des fonds.

Le Département d’État reste l’organe central de mise en œuvre de la politique étrangère, en coordination avec l’USAID. Son Bureau de l’Aide étrangère définit les priorités, collecte les données budgétaires et supervise les allocations.

L’USAID comme outil de puissance douce

L’USAID se concentre sur le développement, la résilience des sociétés, la prévention des pandémies, la stabilité politique, la lutte contre le crime transnational, et la promotion des marchés pour les entreprises américaines. Elle favorise également des sociétés démocratiques, stables, respectueuses des valeurs familiales, de la vie et de la liberté religieuse.

Une politique étrangère anti-Chine

Face à l’Initiative « la Ceinture et la Route » (BRI) lancée par Pékin, les États-Unis veulent riposter. Cette stratégie chinoise a permis d’investir des centaines de milliards dans les infrastructures de nombreux pays, notamment en Amérique latine et en Afrique. Mais ces investissements sont souvent opaques, générateurs de dettes, de corruption, et peu soucieux des normes sociales ou environnementales.

Une alliance contre l’influence chinois

L’administration Trump a renforcé ses partenariats avec des pays comme le Japon, Israël, le Qatar ou Taïwan pour contrer l’influence de la Chine en Afrique. Le Japon, par exemple, a engagé 30 milliards de dollars d’aide sur trois ans. D’autres acteurs du Golfe investissent massivement dans les secteurs stratégiques africains.

Le programme « Clear Choice »

Sous Trump, l’USAID a mis en place une infrastructure dédiée à la lutte contre l’influence chinoise, avec un conseil exécutif, un groupe de travail conjoint avec la DFC, et un coordinateur dédié. Ces dispositifs ont été abandonnés sous Biden mais pourraient être rétablis et renforcés.

Engagement religieux et aide aux familles

L’administration Trump a aussi privilégié les politiques axées sur la santé des femmes, des enfants, et des familles, en collaborant davantage avec les organisations confessionnelles (FBO), souvent plus efficaces dans les zones rurales.

Sortir d’une logique de « maladie »

L’USAID est encouragée à adopter une approche centrée sur les individus et les familles plutôt que sur les maladies. Un appel à projets intitulé « Familles Résilientes » vise à mutualiser les financements cloisonnés pour des impacts durables.

Renforcer les initiatives existantes

Des programmes comme le PEPFAR (lutte contre le VIH/SIDA) et le PMI (paludisme) ont joué un rôle majeur durant la pandémie de COVID. Il est temps de les intégrer pleinement dans les systèmes de santé nationaux, en coordination avec les autres programmes USAID.

Aide humanitaire : trop, trop longtemps ?

Les États-Unis restent le premier acteur humanitaire mondial. Cependant, certains responsables pointent la dérive de l’aide d’urgence vers des schémas permanents, sans contrôle suffisant, qui profitent parfois à des régimes corrompus et instables. Ces gouvernements utilisent l’aide pour se décharger de leurs responsabilités sociales, voire financer des conflits.

Une nouvelle stratégie pour l’Afrique

Malgré les milliards investis, l’Afrique reste marquée par l’instabilité, la pauvreté et la montée du terrorisme. La Chine, quant à elle, y a largement pris le contrôle du commerce, des infrastructures et des ressources.

La révision des stratégies de coopération pour 2025 est l’occasion de :

  • Promouvoir l’autonomie économique,
  • Encourager les investissements privés,
  • Mettre fin aux programmes inefficaces,
  • Dénoncer les pratiques chinoises abusives.

Vers la prospérité africaine

L’USAID devrait renforcer l’initiative « Prosper Africa », lancée sous Trump, pour favoriser les échanges économiques et commerciaux. L’AGOA (loi donnant accès au marché américain) devrait être prolongée au-delà de 2025, mais dans un cadre qui récompense la bonne gouvernance.

Il faut aussi miser davantage sur les acteurs locaux : églises, philanthropes, diasporas, PME africaines. L’agence est encouragée à se désengager des ONG internationales coûteuses, au profit des initiatives africaines déjà existantes et soutenues par les populations.

Centre français de recherche et d’analyse des politiques internationales

Olivier Vallée, le 16/04/2025,
Responsable du Comité Scientifique,
Alliance Panafricaine pour la Citoyenneté (APC)